Nous en parlions déjà le mois dernier, les objets connectés font le buzz ouvrent sans cesse de nouveaux débouchés. Capteurs sur les objets qui recueillent des données, connexions sans fil et échanges d'informations en temps réel… Sans parler des innombrables applications capables d'analyser vos données et de prendre des décisions à votre place... Ces bouleversements créent de la demande pour beaucoup de métiers, dont certains totalement nouveaux.
Imaginez un e-firmier... C’est-à-dire un infirmier assisté par des technologies connectées, voire intelligentes, donc prenant des décisions, pour surveiller à distance, diagnostiquer et intervenir ou faire intervenir d'autres professionnels en limitant les trajets superflus.
Ou encore un digital « transgénieur » : un ingénieur, formé à piloter la conception d'un produit, d'un service, d'un équipement, mais qui exercera son métier dans de petites unités plus proches des clients, réparties sur le territoire, et non plus dans une seule grosse usine.
Ce sont des chercheurs de l'université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) qui ont imaginé ces métiers « mutants » qui pourraient naître à horizon 2030.
Mais d'ores et déjà, la profusion des objets connectés a provoqué un boom dans certains métiers déjà connus, du concepteur de logiciels d'objets connectés au domoticien qui s'intéresse à automatiser la maison...
Cette tendance est très logique quand on voit comment l'Internet des objets (IoT) révolutionne les services rendus dans de nombreux domaines :
En haut du pavé de ces « emplois 4.0 » à saisir, se situent des chercheurs ou des ingénieurs et des techniciens de haut niveau spécialisés informatique, automatisme, réseau, robotique, électronique, électricité... Car c’est eux qui sont le plus souvent à l'origine de ces innovations technologiques.
L'analyste, qui propose les solutions informatiques les plus adaptées en fonction des besoins des utilisateurs et ceux qui les programment, les développeurs, sont également recherchés. On emploie aussi des automaticiens qui, dans l'entreprise, contrôlent, règlent des dispositifs robotisés, voire reprogramment les logiciels, ainsi que des experts réseaux pour fournir la connectivité, et des ingénieurs en électronique pour la fabrication des capteurs et des objets.
Mais cette vague de nouveaux métiers nécessite de faire aussi appel à d'autres spécialités des sciences humaines et sociales (SHS*). Car il faut inventer de nouveaux modèles commerciaux, et, malgré les prouesses technologiques, ça n'est pas toujours évident de commercialiser. Ainsi, selon une enquête de Sociovision de 2018, seulement 15 % des sondés déclaraient à vouloir une habitation bardée de haute technologie.
Il faut aussi anticiper et accompagner les répercussions, y compris sur les habitudes sociales. Parce que quand on y réfléchit, à quoi ça sert de faire de l'ingénierie du futur, si le produit ne s'adapte pas à celui qui l'utilise ?
C’est la question que pose Emmanuel Éveno, géographe de l'université Jean-Jaurès à Toulouse. « Santander, en Espagne, a réparti 20 000 capteurs dans l'espace urbain, nous explique-t-il : quand la poubelle est pleine, elle le signale. Quand la plante a soif, elle le signale. Et des centaines de capteurs signalent les places de parking vides. Mais les Espagnols, comme les Français, ne se garent pas bien et débordent sur les traces ! Les ingénieurs conçoivent comme si les usagers étaient prévisibles. L'innovation doit être en respiration avec le monde social qui est effervescent, chaotique, voire contestataire ! »
Au laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes, à Toulouse, on travaille sur des robots assistants en collaboration avec des psychologues et des philosophes. Car si des robots savent gagner une partie d'échec, ils ne savent pas encore se comporter avec les codes des humains. Comme par exemple, respecter une distance acceptable amener un objet à une personne, pour ne pas l'effrayer.
Si les sciences humaines et sociales sont très attendues pour faciliter ce qu’on appelle « l’interaction homme-machine », on en aura aussi besoin pour résoudre des « problèmes philosophiques », comme accepter qu'une voiture « prenne des décisions qui vont engager leur vie », remarque Franck Gechter, un autre chercheur de l'UTBM spécialisé dans l'intelligence artificielle. Ou encore des « problèmes moraux ». Par exemple, que doit privilégier un programme de conduite d'un véhicule s'il est face au choix collision contre un mur ou renverser un piéton ?
Enfin, au niveau juridique, il y a du travail aussi. Qui, par exemple, est responsable en cas de panne, d'accident : le concepteur, le fabricant, le vendeur, l'acheteur... ? Il va y avoir des postes à prendre pour les futurs étudiants en droit.
Et comment protéger les libertés alors que ces objets connectés échangent des milliers de données, dont les nôtres ? Google avait d'ailleurs abandonné ses Google Glass pour le grand public. Équipées d'un écran en surimpression et de capteurs dont une caméra et un GPS, ces lunettes connectées et commandées par la voix, devaient faire basculer celui qui les porte dans une réalité augmentée pour lui donner des informations sur ce qu'il regarde et fait, donc à terme sur des personnes...
Ce qui suscite bien des questions concernant les libertés individuelles, alors même que des transformations numériques commencent à toucher l'être humain. En Suède par exemple, des salariés ont ainsi accepté de se faire implanter des puces d'identification par radiofréquence RFID dans la main, pour être identifiés aux portiques de sécurité et aux photocopieuses sans composer un code ou présenter une carte magnétique !
Camille Pons
* A l’université, les Sciences humaines et sociales regroupent de nombreuses disciplines : histoire, géographie, psychologie, philosophie, sociologie, droit, économie, communication…
Télépilote est un métier aussi en vogue. Pas que dans des buts militaires, mais aussi pour inspecter des ouvrages, faire de la dépose d'objets, effectuer des relevés topographiques, évaluer des cultures, suivre des feux de forêt pour intervenir efficacement... Pour utiliser cet objet dans un cadre professionnel ou en loisir, si celui-ci pèse plus de 800 grammes, une formation de pilote de drone est obligatoire. La Fédération professionnelle du drone civil (https://www.federation-drone.org/nos-adherents/les-organismes-de-formation/) liste les centres de formations agréés par la Direction générale de l'aviation civile.